lolitas du Val André

Après le dîner, nous revenons sur la digue du Val André. La soirée avance. Il y a beaucoup de monde. Nous repérons deux adolescentes qui n'ont pas plus de quinze ans. Cheveux trop longs, jupes trop courtes, maquillées avec excès, bijoux trop nombreux. Elles sont provocantes, volubiles, excitées, peut-être heureuses.  On le souhaite. J'entends au passage cette phrase qui nous fait sourire mais ne  laisse pas d'être inquiets: "ce soir je vais rencontrer un homme". On voudrait leur dire: "attention!". Oui, la rencontre est possible. Il ne manque pas d'hommes dans cette cité balnéaire qui ont faim de femmes et leur allure facile va attirer. Mais après? Les gars de cet âge ont rarement l'amour en tête. Entre le sexe et l'amour le divorce est total quand on veut à marche forcée "rencontrer". Mais ce discours est inaudible quand on a quinze ans. On croise les doigts et on espère que leurs pas ne croiseront pas ceux d'un adulte sans scrupule...

Ces nymphettes du Val André me rappellent les expériences de jeunesse racontées par Annie Ernaux dans Les années. La romancière le dit avec des mots crus que je censure un peu ici, mais qui sont justes. La grande préoccupation des filles normandes des années soixante était aussi les garçons. Comment pouvait-il en être autrement?  La chasse à la rencontre ... Et "on se retrouvait, après un slow, sur la plage avec un gros sexe d'homme dans la bouche..." Les mots brutaux des garçons, que les filles auraient voulu oublier aussitôt, les efforts désespérés pour habiller de sentimentalité, "envelopper de mélancolie le souvenir d'un dépucelage raté"