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Chaque homme dans sa nuit
7 avril 2009

L'agon et la démocratie

lutteLes jeux olympiques n'auraient jamais existé si les Grecs n'avaient pas élevé comme une des  plus hautes valeurs "l'agon" αγων

Ce mot signifie la compétition, l'émulation, le concours. Déjà visible dans les poèmes homériques, l'esprit de compétition fut omniprésent dans la civilisation de la Grèce ancienne. Je m'interroge sur ses liens avec la démocratie.

Les jeux ont d'abord été l'activité d'une classe sociale privilégiée, l'aristocratie, avant de s'étendre à l'ensemble des citoyens... Dans notre monde, le sport demeure surtout l'affaire des pays riches et de celles et ceux qui, à l'abris des soucis matériels, ont le temps et l'esprit disponibles...

Le sport distinguait le meilleur: le plus rapide, le plus fort, le plus malin. Seule la victoire comptait. Les Grecs n'ont jamais songé à donner l'équivalent d'une médaille d'argent ou de bronze. Arriver deuxième à un concours, c'était perdre. Rien de plus étranger à la mentalité grecque que la phrase de Coubertin: "l'essentiel est de participer".

La victoire olympique était individuelle même si l'honneur s'étendait à la famille et à la cité. Il me semble révélateur que les Grecs, qui ont codifié tant de disciplines sportives, n'ont jamais inventé le moindre sport collectif...

Pourtant ce qui se passait sur le stade d'Olympie, avait quelque chose à voir avec l'idéal démocratique. D'obscures cités, Pise, puis plus tard Elis ont gardé le contrôle des jeux pendant toute l'histoire grecque.

Une fois sur le sable de la palestre ou l'herbe du stade, la richesse et la naissance ne comptaient plus. La démocratie, n'est-ce pas cette promesse de reconnaître les seuls mérites?

Le sport faisait passer l'homme de la guerre à l'affrontement pacifique. On sait aussi que l'annonce des jeux marquait le commencement de la trêve sacrée.

A Olympie se rencontraient les Grecs du Péloponnèse, de l'Attique, des îles, de Sicile ou d'Asie. Les jeux étaient le lieu où Les Héllènes prenaient conscience d'appartenir à une même communauté humaine.

Les règlements sportifs introduisaient les jeunes gens dans le domaine de la loi, sans laquelle il n'est pas de démocratie.

Enfin, au risque d'être accusé de cryptolibéralisme, je pense que l'envie de se dépasser, l'émulation et la reconnaissance de la réussite sportive de l'autre, donnent vie à la cité. Le modèle d'une masse où l'individu jamais ne se distingue prépare au totalitarisme.

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Commentaires
R
cryptolibéralisme : non. Néolibéralisme : oui. <br /> <br /> <br /> <br /> Il n'y avait pas dans la Grèce Antique de notion de compétition, de concurrence, de "dépassement de soi" au sens où nous l'entendons aujourd'hui dans le sport. Il me semble que tous ces éléments sont très bien expliqués dans le livre "sport et civilisation" de Norbert Elias. <br /> <br /> L'agon est une noble vertu qui est celle de la lutte, sur laquelle Castoriadis a écrit des lignes magnifiques.<br /> <br /> C'est plus l'idée du conflit que l'idée de la performance qui est en jeu. Celle de l'opposition des forces plus que celle d'un jeu déterminant un vainqueur et un vaincu. <br /> <br /> <br /> <br /> Or, la définition que tu dresses de l'agon, c'est celle de la performance. Tu la dégages même totalement de l'idée de spiritualité et d'éthique chez les grecs (le cheminement moral pour atteindre l'ataraxie, la tranquillité de l'âme, la maîtrise de soi, le bonheur...). Tu en as donc une vision néolibérale, celle de la performance pour la performance, le sport miroir de la société ou son idéal à atteindre, etc. <br /> <br /> <br /> <br /> Tu parles de reconnaissance individuelle et encore une fois, celle du vainqueur, uniquement. Le vaincu, mort ou tristement amoché, n'y gagnerait rien. Cruauté et violence sociale sont donc au rendez-vous de ce que tu annonces. <br /> <br /> Même dans les modèles totalitaires, les individus se distinguent : Hitler et Staline ne sont-ils pas des hommes dont on dressait les statues, les surhommes qui devaient montrer l'exemple aux masses, comme aujourd'hui une certaine interprétation journalistique tend à nous présenter les sportifs comme les modèles des jeunes ?<br /> <br /> Comment expliquer que dans des sociétés aussi holistiques que la Grèce antique, on puisse faire valoir des individus? Sur ce point, i.e. le processus d'individualisation, je re-conseille Norbert Elias avec "la société des individus". <br /> <br /> <br /> <br /> @+
Chaque homme dans sa nuit
  • je suis un homme de 48 ans passionné par la théologie, la Bible, la littérature (Julien Green, Mauriac, Proust...) le sport(course à pied, triathlon, rugby...), j'aime les paysages (La Normandie, saint-Malo, Annecy...).
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