Bordeaux, Mauriac

Je repense à ce petit livre de François Mauriac Une enfance provinciale . L'écrivain y décrit une ville portuaire aujourd'hui disparue : "Bordeaux est sans profondeur ; la ville s'étire , immense façade, comme si toutes ses maisons souhaitaient de contempler l'autre rive ; même dans le centre de la ville, vous apercevez toujours, à l'extrémité d'une rue, des agrès, une voile, des mâts ; la nuit, des sirènes déchirantes réveillent en sursaut l'enfant, dans les quartiers les plus éloignés du port..."Maintenant la ville s'étire encore plus, horizontale, presque jamais verticale, dans  des banlieues toujours plus vastes. Souvent je m'y suis égaré en voiture entre Bègles,Mérignac,  Pessac, ou Gradignan dans ses faubourgs d'échoppes, de petits immeubles,entre lesquels la vigne vient s'immiscer. Pourtant depuis les quais des Chartrons, la ville semblait s'arrêter aux premiers coteaux vers le nord et la rive gauche annonçait déjà la campagne. On ne voit plus  aujourd'hui ni agrès, ni voile ni mâts à l'extrémité des rues ; seul un vaisseau militaire musée y parait échoué et ferme une perspective dans la grisaille, l'immobilité et la raideur. Dans ce port sans navires les églises  (Pey-berland, saint-michel...)sont des amers.