Soirée berlinoise, 1

Dispute ce soir dans le M5. J'aperçois depuis le quai deux quinquagénaires se menacer en levant les bras. Le tram emporte leur querelle loin de nous...

J'ai envie d'écouter de la musique dans un club berlinois. Je m'en vais seul.  Il est minuit passé de quelques minutes sur l'Alex. Je réalise qu'il est trop tard pour rejoindre une boîte à l'autre bout de la ville. Je bois un dernier verre dans un bar. Un gars de l'Est m'accoste et vient trinquer avec moi. Nos lourdes chopes de bière se heurtent sur le comptoir. Il s'appelle Nikola..., me parle allemand avec un fort accent slave. Il n'aime pas Berlin, il cherche une femme. Eternelle quête des hommes esseulés le soir dans les grandes villes.

Quelle femme cherchez-vous? L'homme repose sa bière, s'essuie du revers de la main et me répond évasivement: "junges Mädchen", "reife Frau". Je le vois bien dans ses yeux ce besoin d'une femme, de la femme, "das Weib". Pas question de jouer le tartuffe. Inconnu de l'est, mon frère. Je la connais cette faim sensuelle ...

Günter Grass explique qu'il a connu trois faims: la première était alimentaire, la deuxième fut charnelle, la troisième le poussait vers l'art. Je partage les deux premières, mais j'éprouve aussi une autre faim. "L'homme ne vivra pas seulement de pain..."