L'enfant des frères Dardenne.
Qui est au juste l'enfant ? Telle est la question que je me posais en regardant ce film dur mais pas désespéré de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Le bébé ? On ne le voit guère plus sur l'écran que dans l'affiche. Langé dans sa combinaison bleue, il est brinqueballé dans l' errance de ses parents, et on tremble de le voir transporté sur un cyclomoteur, ou dans les bras de sa mère traversant une voie express, ou encore déposé dans un garage. Mais ce nouveau-né est miraculeusement précocement mûr et supporte sans pleurer les asiles de nuit et les fuites crapuleuses. Le collégien voleur? Mais l'apprenti larron sait compter ce qu'on lui doit, va à l'école, joue franc jeu et manque de périr noyé par fidélité dans les eaux gelées d'un canal. La mère ? Sonia assume sa maternité et a des colères de louve lorsqu'on tente de lui soustraire son bébé. Le véritable enfant du film c'est le père. Bruno trouve toujours de l'argent par ses trafics, vit dans l'instant et la gaminerie. il faut le voir se jeter sur un mur pour marquer ses empreintes de pied, louer un cabriolet, s'amuser. Il est un enfant de la crise perdu sans son portable et sans la thune, inattentif à son fils qui vient de naître au point d'aller le vendre. Les scénaristes ne le jugent pas mais le suivent avec un réalisme dont on ne sort pas indemne. A la fin de la séance, une femme a crié un bravo qui ressemblait à un sanglot...