Grenoble, chute d'un bébé, Rousseau

19 août. Dernière halte avant de rejoindre la Haute- Savoie: Grenoble. Voilà une ville vers laquelle j'étais venu  en 1992 avec beaucoup d'attentes  et qui me réserva bien des déboires. La vision que j'en aie maintenant est troublée par ces souvenirs. J'associe à Grenoble ses larges boulevards bruyants de circulation tels des autoroutes qui traverseraient une ville . J'habitai une de ces artères aux allures staliniennes. Immédiatement après, j'ai  en tête cette interminable (8km) avenue Jean Jaures où je me revois marcher le vague à l'âme. Grenoble c'est encore  le parc Mistral avec sa tour Perret en béton et en ciment comme réchappée d'un bombardement, parc où je fis souvent  des footings  matinaux,solitaires et gris. Enfin et surtout la villeneuve et sa banlieue toute proche d'Echirolles, des cités sensibles où j'enseignais dans des conditions difficiles. Je ne sais pourquoi je suis allé aujourd'hui jusqu'à ce dernier quartier faire des courses. Un immense centre commercial,grandplace, nommé improprement "lieu de vie" étend ses tentacules aux noms de montagnes, miroir aux illusions de la grosse consommation, au milieu des pauvres de Grenoble. J' ai assisté tout à l'heure  à une scéne qui m'a glacé le sang: un bébé de quinze jours est tombé de la poussette qui semble-t-il avait dévallé  sur un escalator, échappant à la vigilance des parents. Le père s'est précipité , a emporté en courant le nourisson à la pharmacie toute proche. L'enfant hurlait , puis s'est tu, du sang coulait de sa tempe, les pompiers sont venus le chercher... je souhaite de tout coeur que cet accident ait été plus spectaculaire que grave mais la pharmacienne que nous avons vu un peu plus tard n'a pu nous rassurer.

Je viens de me procurer à Grenoble une belle édition des Confessions de Jean-Jacques Rousseau. "Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi" Le genre autobiographique est l'un des plus passionnants et des plus ambigus qui soient. Ici Rousseau avec beaucoup de sincérité mais aussi de naïveté écrit un plaidoyer. Il eut des devanciers comme saint Augustin ou Montaigne quoique dans un autre style et poussés par des mobiles différents, il eut aussi des imitateurs: pour ne cîter qu'eux, Chateaubriand, Stendhal, Sartre, Green ou Leiris. Dire tout de sa vie? une impossibilité quand bien même on le voudrait. Trop de choses nous échappent mais l'aventure mérite d'être tentée.