La plage de Bréville, la mer, la montagne, la forêt.
La plage la plus proche de chez moi, à quinze minutes à pied, est la plage de Bréville. C'est une grève de sable, de galets et de coquillages qui descend en pente douce en face des îles Chausey. Elle se prolonge vers le nord par un rivage rectiligne vers Coudeville et Saint Martin de Bréhal, stations jumelles et familiales, plus loin encore vers le havre moutonnier de la Vanlée. Elle s'incurve au sud, après le "grand hôtel" de Donville, presqu'isolé entre falaise et dunes, vers Granville et la pointe schisteuse du roc. Je m'y suis rendu hier pour nager et lire ces pages d'A l'ombre des jeunes filles en fleurs où le narrateur arrive à Balbec. Proust y décrit la mer comme une montagne. Le jeune homme découvre de sa fenêtre "ce vaste cirque éblouissant et montagneux et les sommets neigeux de ses vagues en pierre d'émeraude..."Aujourd'hui, à Bréville, j'associe plutôt des images forestières à la Manche: après les hautes herbes vipérines, la dune, toute la sécheresse saline de ces mielles accusée encore par une année sans eaux; enfin passé le reg des cailloux de la plage, s'étend ce vert profond et végétal comme si la forêt d'Ys n'avait jamais disparu, où on ressent une fraîcheur de couvert forestier lorsqu'on y progresse en brasse coulée, où on s'emmêle les bras au crawl dans les algues comme dans des fourrés pas encore défrichés...Tout à l'heure, la marée descendante découvrira les pieux des moulières telle une pépinière de cette forêt de Bréville.